Personne ne peut vraiment rencontrer Jésus en profondeur, sans être confronté aux impuissances de sa propre vie et constater son échec à vivre à la hauteur de son désir de bien. L’Evangile de Jean contient un récit d’une telle rencontre en profondeur. Il concerne le pionnier de la foi, le plus audacieux et dans un sens le premier de ceux qui se sont engagés pour Jésus. Il s’agit de Pierre. Pierre l’apôtre numéro un.
Lors du dernier repas de Jésus avec ses disciples, repas qui annonce sa marche pour eux vers la mort, marche par amour pour eux, Pierre déclare à Jésus: » Je donnerai ma vie pour toi. » Jn 13,37. Ce à quoi Jésus répond: « tu donneras ta vie pour moi!!! En vérité, en vérité, je te le dis, le coq ne chantera pas, que tu ne m’aies renié trois fois. » Jn 1,38. Parole dite sans dureté et qui ne manque pas d’humour.
Effectivement durant la nuit, quelques heures après minuit, Jésus est emmené chez Anne et puis chez Caïphe. Observant de loin, Pierre se tient près d’un brasier (en grec anthrakia; feu de braises) et se réchauffe car il fait froid. Et c’est là que, par trois fois, on le reconnait et on lui dit: mais tu étais avec Jésus!!! Et lui réponds: Non.
Quand Jésus est ressuscité il rencontre ses disciples au bord du lac, comme au début. Mais Pierre devra faire face à son échec, à sa faute. Curieusement c’est Jésus qui a préparé un brasier avec du poisson et du pain posé dessus. (Jn 21,9). C’est le même terme grec anthriaka qui est utilisé ici. C’est au cours d’un repas que Pierre avait promis la loyauté à Jésus jusqu’à la mort. C’est à nouveau durant un repas que la question de son engagement va être reprise. En effet par trois fois Jésus demande à Pierre s’il l’aime. Comme si Pierre devait faire face à ses trois nons pour dire oui.
La Parole de Jésus n’est pas accusatrice. En fait tout le contraire. Elle oblige Pierre à la vérité, mais dans lumière du pardon donné et d’une pleine restauration de la relation.
Le mot « anthrakia » n’est pas un mot très fréquent. Il apparait encore dans un texte très central de l’Ancien Testament: Esaïe 6,1-6. Esaïe a une vision de Dieu assis sur son trône dans sa gloire et sa sainteté. (Es 6,1-4) Et alors effrayé, ayant crainte pour sa vie, Esaïe s’écrit: » Malheur à moi! Je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres sont impures, j’habite au milieu d’un peuple dont les lèvres sont impures, et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers. Mais l’un des séraphins vola vers moi tenant à la main une braise qu’il avait prise sur l’autel avec des pincettes. Il en toucha ma bouche et dit: ceci a touché tes lèvres; ta faute est enlevée, et ton péché est expié. » (Es 6,5-7) Le mot pour braise est « anthraka » .
Ainsi Jésus met en scène « Esaïe 6 » autour d’un feu de braises (anthrakia) et sa triple question à Pierre « m’aimes-tu »? Lui le ressuscité est le Roi qui par sa mort a enlevé le péché du monde. Lui Jésus est le Roi de gloire que Esaïe a vu en vision, assis sur le trône de l’univers. Et Lui Jésus, par ce geste symbolique déclare à Pierre: « ta faute est enlevés, ton péché est expié ».
Geste d’amour de Jésus transmis dans la réalité de tous les jours de Pierre. La pêche et le repas de poisson. La restauration culinaire, annonce et accomplit la restauration intérieure, le pardon et la relation. Pierre peut voir son passé dans l’échec à la lumière de la résurrection et du pardon. Pierre est réhabilité et ensuite envoyé par Jésus dans sa mission.